Belinga : entre promesses et lente maturation d’un projet minier hors norme

Longtemps cantonné au rang de mirage industriel, le projet minier de Belinga, au nord-est du Gabon, se matérialise peu à peu. L’exploitation de l’un des plus vastes gisements de fer d’Afrique suscite autant de fascination que de prudence. Si le discours officiel vante une transformation radicale du territoire, la réalité, elle, révèle un chantier qui avance par paliers, non sans zones d’ombre et frustrations locales.

Depuis deux ans, sous l’impulsion du président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, le site a connu une accélération visible. Les autorités espèrent faire du secteur minier un levier de diversification et d’inclusion sociale. Mercredi 2 juillet, lors d’une réunion technique réunissant Ivindo Iron et le ministère des Mines, le projet a affiché un tableau flatteur : plus de 117 000 mètres de forage, des études environnementales et de multiples projets annoncés dans les domaines de l’agriculture et des infrastructures. Pour Christian Magnagna, président du conseil d’administration d’Ivindo Iron, ces chiffres illustrent une dynamique « conforme à la stratégie nationale ». Pourtant, derrière la rhétorique de la transparence et de l’exemplarité, certains habitants évoquent des avancées plus timides qu’il n’y paraît.

Les exemples mis en avant par la société, notamment la transformation du manioc et la construction de routes, sont réels. Des axes de transport ont commencé à sortir de terre, et quelques projets agricoles pilotes ont vu le jour. Dans une région historiquement enclavée, ces initiatives représentent une bouffée d’air et un début de désenclavement. Mais la plupart des programmes en sont encore au stade préliminaire ou se limitent à des actions ponctuelles. Du côté des communautés locales, la patience s’érode parfois face à la lente concrétisation des promesses. Si Ivindo Iron insiste sur le « dialogue constant », plusieurs acteurs associatifs soulignent que l’information circule encore de manière parcellaire, et que les habitants peinent à comprendre comment ces projets vont durablement changer leur quotidien. « On parle beaucoup de développement inclusif, mais sur le terrain, les opportunités d’emploi restent limitées et la plupart des jeunes attendent toujours de savoir comment ils pourront en bénéficier », confie un responsable communautaire, sous couvert d’anonymat.

Des investissements annoncés mais sous surveillance

Les responsables d’Ivindo Iron se veulent rassurants. Plusieurs milliards de francs CFA devraient être injectés dans les mois à venir, dont une part importante dédiée aux infrastructures collectives. Ces annonces ont le mérite d’entretenir un climat d’optimisme, même si la question de la gouvernance et du contrôle effectif de ces fonds reste posée. Certains observateurs pointent l’absence de bilans détaillés sur la répartition des marchés, les critères d’embauche ou les retombées fiscales pour les collectivités locales. Si le ministère des Mines assure un suivi régulier, peu d’informations filtrent sur l’évaluation indépendante des impacts sociaux et environnementaux. Le projet Belinga se veut exemplaire : une industrie extractive moderne, attentive aux équilibres écologiques et résolue à rompre avec les errements du passé. Il faut reconnaître que, malgré les lenteurs et les incertitudes, des jalons ont été posés. Les infrastructures naissantes et les premiers partenariats locaux témoignent d’un changement d’échelle. Mais la route reste longue pour passer d’un projet emblématique à une transformation profonde et durable. Les mois à venir seront déterminants. Entre annonces et réalité, Belinga devra prouver qu’il peut tenir ses engagements. Car si la région a longtemps attendu l’essor de ce gisement, elle attend désormais des preuves concrètes que le développement promis ne restera pas un horizon toujours repoussé.

 

Dernières infos

La rédaction vous recommande

Partagez cet article

Interagissez avec nous

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut