Rien ne va plus à la CNAMGS. Le président du Conseil d’administration, Alain-Claude Kouakoua, est accusé d’abus de pouvoir et de cumul de fonctions. Une crise qui expose les dérives du système.
Le Syndicat national de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (SYNA-CNAMGS) a réclamé, ce lundi, la démission d’Alain Claude Kouakoua, président du Conseil d’administration (CA) de la CNAMGS. En cause : une dérive autoritaire présumée, des conflits d’intérêts flagrants et des décisions jugées illégales. Une crise qui met à nu les failles de gouvernance d’une institution pourtant au cœur de la politique sociale du président Brice Clotaire Oligui Nguema. Selon le syndicat, le décret n°076 aurait conféré à M. Kouakoua des prérogatives quasi absolues, lui permettant d’intervenir dans la gestion quotidienne sans contre-pouvoirs. « Depuis son arrivée, la CNAMGS fonctionne dans un climat de peur et de méfiance », dénonce le président du SYNA-CNAMGS, Gaëtan Nkoghe, qui accuse le président du Conseil d’administration d’exercer des pressions sur les cadres et de remettre systématiquement en cause les décisions du directeur général. Le syndicat rappelle que la présidence du CA devait, selon le principe de rotation interne, revenir à un représentant des travailleurs. Il souligne aussi un possible conflit d’intérêts, M. Kouakoua cumulant plusieurs fonctions : président de la Fédération des entreprises du Gabon (FEG), président du Conseil d’administration de la CNAMGS et débiteur de cette même caisse.
Une alerte déjà lancée par Echos du Nord
Dans son édition Spécial Confidentiel n°76 du 23 mars 2025, Echos du Nord avait déjà mis en garde contre la nomination d’Alain-Claude Kouakoua à la tête de la FEG.
Nos investigations révélaient alors plusieurs zones d’ombre dans sa gestion et des irrégularités administratives persistantes. En 2021, un arrêté ministériel (n°000015/MASDF du 8 mars 2021) l’avait formellement révoqué de ses fonctions d’administrateur de la CNAMGS, décision qui, selon les statuts de la caisse, devait lui interdire toute réintégration. Pourtant, il avait été réinstallé quelques mois plus tard, sans explication officielle. Une décision qui demeure, à ce jour, contraire aux textes en vigueur. Autre sujet d’inquiétude : MIKA SERVICES, entreprise dirigée par M. Kouakoua et affiliée à la FEG, cumulerait une dette de plus de 1,3 milliard de FCFA envers la CNAMGS, correspondant à des cotisations sociales impayées depuis 2015. Une situation d’autant plus problématique que seul le Conseil d’administration présidé par M. Kouakoua lui-même peut accorder des remises gracieuses pour des montants supérieurs à 100 millions de FCFA. Le risque de conflit d’intérêts est manifeste : le juge est désormais partie. Depuis la mise en place du nouveau Directoire de la CNAMGS, les révélations s’accumulent : prestataires fictifs, surfacturations, contrats douteux et entreprises écran à l’étranger. Une officine de Lambaréné facturait entre 200 et 400 millions de FCFA à la CNAMGS, quand des structures de Libreville plafonnaient à des montants bien moindres. Pire encore, certaines sociétés domiciliées en France et sans lien avec le secteur médical auraient encaissé des centaines de millions de FCFA pour des prestations inexistantes. Ces pratiques, héritées du passé, auraient plongé la CNAMGS dans une paralysie budgétaire. Le Conseil d’administration a rejeté le projet de budget 2025, bloquant tout financement de fonctionnement et d’investissement. Un acte perçu, en interne, comme une tentative d’étranglement de la direction générale, accusée d’avoir engagé une vaste opération de nettoyage.
La riposte de la direction générale
Face aux accusations du président du CA, la directrice générale de la CNAMGS, Nadia Christelle Koye, a répondu dans une note interne qualifiant sa suspension de « décision illégale et abusive ».
Elle rappelle qu’un président, à lui seul, ne peut décider d’une telle mesure sans l’aval du Conseil réuni en session extraordinaire. Mme Koye évoque un « abus de pouvoir » et un « climat délétère » entretenu par des ingérences répétées. Elle a adressé copie de sa note au ministre des Affaires sociales, tutelle de la CNAMGS, et se réserve le droit d’engager des poursuites pour abus de pouvoir. La crise actuelle à la CNAMGS illustre les contradictions d’un pays en quête de refondation institutionnelle. Alors que le chef de l’État fait de la rigueur et de la transparence les piliers de sa gouvernance, cette affaire met à l’épreuve la volonté du pouvoir de rompre avec les pratiques d’hier. La CNAMGS se retrouve à un tournant décisif : soit elle redevient un outil de justice sociale, soit elle confirme les craintes d’une reprise en main par des puissances d’argent. Le peuple, lui, attend des actes. Et comme souvent, Echos du Nord continuera de dévoiler ce que d’autres préfèrent taire.