Sous le vernis protocolaire de la rentrée judiciaire, un vent de vérité a soufflé sur le corps des magistrats. Derrière les portes closes, le président Brice Clotaire Oligui Nguema a brisé le silence des convenances pour dénoncer frontalement les dérives, la corruption et les complicités qui gangrènent la justice gabonaise. Un rappel à l’ordre sans détours, qui sonne comme la fin de l’impunité au sommet du temple du droit.
L’audience solennelle de rentrée des cours et tribunaux, tenue ce lundi 6 octobre 2025 à Libreville, n’aura pas été un simple rituel judiciaire. Derrière les ors de la République et les toges impeccablement repassées, le Chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, a choisi d’aller droit au cœur du malaise : celui d’une justice malade de ses compromissions. Le thème officiel « Le magistrat et l’État de droit » sonnait comme une profession de foi. Mais c’est à huis clos que la profession de foi s’est transformée en confession forcée. Des discours policés à la tribune, les magistrats ont demandé la modernisation de l’outil judiciaire, le renforcement de l’indépendance du juge et l’idéal d’une justice équitable, rendue au nom du peuple gabonais. Ils ont prôné une justice « plus proche du citoyen », où chaque justiciable serait traité à égalité. Les mots étaient justes, la musique agréable. Mais, comme souvent, la partition réelle se jouait loin du protocole. Car une fois les portes refermées, le ton a radicalement changé. Selon plusieurs sources présentes au huis clos, le Chef de l’État n’a pas mâché ses mots. Face aux magistrats, Oligui Nguema a dénoncé, sans ambages, les mauvaises pratiques qui gangrènent la magistrature : corruption endémique, trafic d’influence, arrangements tarifés et jugements dictés par les intérêts personnels plutôt que par la loi. « Vous rendez la justice au nom du peuple, mais souvent à votre profit », aurait lancé le président, avant d’asséner que la sanction ne serait plus une promesse mais une réalité. Le rappel à l’ordre a été cinglant. Oligui Nguema a évoqué les « inégalités et les injustices » dans le traitement des dossiers, et fustigé les comportements déviants observés lors des dernières élections. Les services de renseignement auraient remonté des cas flagrants de dérives : magistrats stipendiés mais défaillants, ventes de procurations, connivences avec des candidats.

Une dérive d’autant plus grave que ces acteurs sont censés incarner la probité et la neutralité de l’État. Le Chef de l’État a prévenu : le temps des avertissements est clos. La preuve ? Le dernier Conseil supérieur de la magistrature s’est soldé par la mise à la retraite de trente magistrats et la sanction de cinq autres. Une purge symbolique mais assumée, qui témoigne d’une volonté de frapper vite et fort. « Il faut sauver la justice de ses propres fossoyeurs », aurait résumé un proche du palais. Au-delà des mots, ce huis clos aura fait office d’examen de conscience collectif. La solennité du moment n’a pas suffi à masquer la fracture entre un pouvoir exécutif décidé à restaurer l’autorité morale de l’État et un corps judiciaire miné par les arrangements et la défiance populaire. Car la justice gabonaise, pour se réhabiliter, devra faire plus que proclamer son indépendance : elle devra la prouver, dossier après dossier, jugement après jugement. Et dans ce combat, Oligui Nguema semble décidé à reprendre la main. Pour lui, moraliser la justice, c’est restaurer la confiance d’un peuple trop longtemps abusé par les verdicts sélectifs et les procès de connivence. Cette audience solennelle aura donc laissé un goût amer sous les dorures : celui d’une vérité brutale, mais nécessaire.