La honte au sommet : quand le poison du chauvinisme infiltre la Présidence  

La Présidence de la République devrait incarner l’exemplarité. Elle devrait être le sanctuaire de la réserve, du discernement, de l’unité nationale et de la méritocratie. Pourtant, ce qui s’y observe ces derniers temps heurte la conscience, offense la République et interpelle sur la nature réelle de certaines ambitions politiques. Depuis quelques jours, une campagne aussi vile que honteuse vise une haute responsable nouvellement nommée à la Présidence. Non pas pour son incompétence, dont personne ne saurait sérieusement témoigner, mais pour sa supposée origine étrangère. Voilà le prétexte brandi par certains de ses collègues pour remettre en cause sa présence à ce niveau de responsabilité. Le tout, orchestré avec zèle, relents xénophobes, manipulations internes et relais sur les réseaux sociaux, par le truchement d’activistes achetés à coup de consignes officieuses. Ce n’est pas tant l’origine qui dérange ici. Ce qui irrite ces collaborateurs tapis dans l’ombre, c’est que le poste leur a échappé. Qu’ils aient été contournés. Qu’un autre profil, jugé plus compétent ou plus loyal par l’Exécutif, ait été préféré. Et plutôt que de s’interroger sur leurs propres limites ou leur manque de crédibilité, ils s’en prennent à l’identité de l’autre. Voilà l’arme préférée des faibles : l’attaque ad hominem quand les idées ou les résultats ne suivent plus.

Or, faut-il rappeler qu’au fil des années, de nombreux Gabonais ont servi avec honneur à l’étranger, occupant des fonctions prestigieuses dans d’autres États africains ? Un Gabonais fut directeur de cabinet d’un ministre en RDC, un autre conseiller du président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Devrait-on leur interdire de servir leur propre pays au nom d’un chauvinisme borné ? La République gabonaise, depuis ses origines, est tissée de brassages, de migrations, de filiations multiples. C’est là sa richesse, pas sa faiblesse. Beaucoup de ceux qui aujourd’hui hurlent à la trahison identitaire ont eux-mêmes bâti leur ascension par des procédés discutables : copinage, népotisme, arrangements de clans, ou jeux d’allégeance au plus offrant. Certains n’ont à leur actif que des intrigues de couloirs, des dossiers dissimulés ou bloqués pour nuire à la progression d’autrui. Leur patriotisme affiché n’est qu’un masque. Leur attachement au Gabon, une posture utilitaire. Car ceux qui aiment réellement leur pays ne combattent pas la compétence ; ils s’en réjouissent, même quand elle dérange leur entre-soi. Le septennat actuel a suscité un immense espoir de renouveau, de rupture avec les méthodes anciennes.

Or, que constate-t-on ? Des comportements de basse-cour à la Présidence. Des querelles d’ego, des luttes internes pour des postes, des sabotages délibérés de dossiers jugés « gênants », des campagnes de dénigrement contre des collaborateurs simplement parce qu’ils ne partagent pas l’ethnie, le réseau ou la complaisance attendue. Le tout dans un lieu qui devrait symboliser la République dans sa grandeur, pas dans ses travers. Comment, dans ces conditions, construire un État efficace, loyal, au service de tous, si la méfiance, l’ethnocentrisme et la jalousie deviennent les normes de la vie institutionnelle ? Si la Transition veut réussir, elle doit restaurer l’autorité morale et politique de la Présidence. Elle doit extirper les réflexes de sérail et rappeler que le mérite ne connaît ni origine, ni tribu, ni réseau. La République est une promesse d’égalité, pas une chasse gardée. Le service public n’est pas une rente, c’est une charge. Et celui qui est désigné pour l’assumer, aussi différent soit-il de ses collègues, doit pouvoir le faire sans crainte, sans cabale, sans suspicion nauséabonde. En ce sens, il est temps de rappeler aux collaborateurs du Chef de l’État qu’ils ne sont pas là pour préserver leur petit confort ou empêcher l’accès d’autrui à des responsabilités. Ils sont là pour servir l’État avec loyauté, intelligence, dignité et esprit d’équipe. Et que l’hostilité déguisée en défense de la patrie n’est qu’un masque de plus, pour les faibles qui n’ont rien à proposer. La République mérite mieux.

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