Les ennemis de l’intérieur

Ils sont de diverses catégories, les ennemis de l’intérieur, mais tous, sciemment ou inconsciemment, font courir au président de la République des risques d’un cuisant échec.

La première catégorie se compose de ceux qui s’échinent à convaincre Brice Clotaire Oligui Nguema qu’il lui faut un parti politique, lequel devait, s’il voyait le jour, compter dans ses rangs d’anciens hiérarques controversés du Parti démocratique gabonais (PDG). Pourquoi autant de démissions de l’ancien parti au pouvoir si ce n’est dans l’intention de rejoindre la cour du chef de l’Etat ? Un parti présidentiel bourré des gens que les Gabonais tiennent pour responsables de la faillite du pays et, donc, de leurs misères ne peut pas avoir les suffrages des citoyens aux prochaines élections législatives et locales. A ce sujet, les Gabonais ont d’ailleurs une formule d’une vérité cinglante : « Malgré la mue, le serpent reste venimeux. »

Le changement de chapelle et même de champ politiques n’amènera donc pas l’absolution. Avis à ceux qui envisagent, à leur tour, de sauter de l’ancien parti dit des masses. Une autre catégorie des ennemis intérieurs rassemble ceux dont l’agir est aux antipodes des prescriptions clairement formulées par le chef de l’Etat. Bien qu’Oligui Nguema répète, à l’occasion, l’invitation à rompre avec les travers du long règne cinquantenaire du PDG, il se trouve dans son entourage immédiat des collaborateurs qui s’y engouffrent. La preuve patente en a été donnée dans les nominations rendues publiques à l’issue du Conseil des ministres du 30 mai, moins d’un mois après le début de cette Ve République voulue comme le renouveau du Gabon.

Il est à relever que des pans de l’administration de la présidence de la République sont bourrés de ressortissants de l’ethnie ou de la province de leurs premiers responsables. Le même repli identitaire qui a caractérisé la gouvernance PDG et conduit le pays dans la situation catastrophique que tout le monde déplore. Et les quelques nominations qui font exception s’expliquent simplement par les affinités des bénéficiaires avec les responsables en question. De quoi donner du grain à moudre à ceux qui y verraient la perpétuation de la république des copains et coquins.

Outre des administrations de la présidence de la République, les ministères sont gangrenés par le tribalisme. A l’entame d’une nouvelle ère, il ne serait pas mauvais de contraindre les responsables de ces déviances de rectifier le tir. C’est au pied du mur que l’on juge le maçon. C’est dès maintenant que les gouvernants doivent coller à la vision du président de la République, qui, lui, ne devrait pas tarder à taper du poing sur la table, à défaut de se séparer de ceux qui représentent des obstacles à la construction d’un nouveau Gabon. Si son message a du mal à passer, la férule peut l’y aider. Les chefs d’équipe savent que la menace permanente de la sanction amène les éléments étourdis et les récalcitrants à suivre. Il ne faudrait pas laisser les mauvaises habitudes refaire surface et s’ancrer durablement.

L’autre catégorie, aussi sournoise que la précédente, des ennemis de l’intérieur regroupe les courtisans, les hypocrites et les menteurs. Il s’agit des gens qui ne sont pas vrais avec le président, craignant de le fâcher et ainsi de perdre leur place à ses côtés. Or, pour qu’il prenne les décisions idoines, un chef a besoin de connaître la réalité des faits et des situations, aussi désagréables soient-ils. Il n’y a pas plus dangereux qu’un collaborateur qui cache la vérité à son chef en prétendant vouloir le préserver et qui, par là même, l’induit en erreur. Exposer la réalité à son supérieur ne signifie pas lui causer de la peine. Au contraire, c’est lui rendre un grand service. Tout comme exprimer courtoisement son point de vue, même si celui-ci est à rebours de l’opinion couramment admise. Il est possible que d’autres catégories d’ennemis intérieurs existent. Au président d’exercer la vigilance critique de tous les instants car c’est à lui que les Gabonais adresseront les reproches en dernier ressort. Comme on le voit avec les vagues de démissions au PDG, ils ne sont pas nombreux qui accepteront de prendre leur part de responsabilité devant le jugement de l’histoire. Avant le chant du coq, Pierre avait déjà renié Jésus. Il est évident que, catholique pratiquant, Brice Clotaire Oligui Nguema gouverne avec cette donnée en permanence à l’esprit.

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