« La vocation, pour moi, procède d’un appel profond : chacun reçoit une vocation qui donne un sens à sa vie. »
Dans un entretien accordé à Échos du Nord, Sylvain Abessolo raconte comment l’écriture de Le Chemin de la Vocation est née d’un besoin impérieux de témoigner et de partager une expérience forgée par la persévérance, la foi et la volonté de défendre l’exigence professionnelle. Il évoque un parcours jalonné de défis, mais aussi d’instants de grâce où la vocation s’impose comme une certitude indéracinable.
Echos du Nord : Bonjour Monsieur Abessolo.
Sylvain Abessolo : Bonjour Madame.
L’inspiration et le déclic autour du livre ?
Je vous dirais d’entrée que l’envie d’écrire un livre, quelle qu’en soit la forme ou le contexte, est antérieure à mon entrée dans le métier de journaliste. Depuis ma petite enfance et tout au long de mon parcours scolaire, j’ai toujours aimé la lecture et l’écriture. J’ai participé à des concours de dictée, à des clubs de lecture, à un concours de la meilleure nouvelle organisé par Radio France Internationale dans les années 90. Mieux encore, j’avais des rêves : exercer le métier que j’aime et que j’ai choisi, le journalisme.
Pourquoi cette profession ? Parce qu’un journaliste émérite, feu Jean Philippe Oyone, décédé en 1985 dans le crash de Makongonio, événement dont on vient de commémorer le 45ᵉ anniversaire, m’avait particulièrement marqué par la maîtrise de son art et sa prestance. Ainsi, pour y parvenir, je me suis donné les moyens de réaliser mon rêve d’enfance. Mais d’où vient le déclic ? Autant que nous sommes, nous avons un état d’esprit et une activité chronophage. C’est-à-dire que nous trouvons difficilement le temps de nous consacrer à l’essentiel. Nous voulons tout embrasser à la fois, sans réelle priorité. Bref, nous sommes multitâches. Pour ma part, lors de la pandémie de la Covid-19 et des mesures de confinement imposées par les autorités de chaque État, je me suis dit : pourquoi ne pas commencer à accomplir une ambition et un projet qui trottent dans ma tête depuis fort longtemps ? Écrire, compte tenu de mon expérience et de mon vécu professionnel.
Au lieu de m’ennuyer, j’ai pris ma plume. J’ai accouché des idées, comme Socrate accouchait les esprits. J’ai ressassé tous les souvenirs, bien que quelque peu évanescents. J’ai rédigé un manuscrit durant des semaines et des mois de concentration. Puis, je l’ai soumis à mon éditrice, Honorine Ngou, qui a procédé à la lecture, à la relecture et à la correction, avant la validation et l’édition. Toutefois, l’impression a été réalisée en France par la collection « Cri du Cœur ». C’est là le déclic.
Vous affirmez que la vocation procède d’un appel profond plutôt que d’un simple désir ou d’une ambition. Comment définissez-vous cette différence ?
La vocation, pour moi, procède d’un appel profond. Chaque personne reçoit une vocation qui donne un sens à sa vie. Je ressentais cette vocation comme un appel de Dieu, un appel de miséricorde. Je ressentais une paix intérieure, une quête vers une carrière, une mission, un don personnel, une prédisposition à embrasser un métier. La vocation n’est pas un simple désir. C’est aussi une ambition. Chacun de nous porte quelque chose d’unique, quel que soit le domaine professionnel ou personnel. C’est une réalisation de soi. Oui, c’est une ambition, si l’on identifie assez tôt sa passion et si l’on est convaincu de ses qualités et de son potentiel. Cependant, trouver sa vocation peut prendre du temps et demander des efforts. Elle n’est pas innée. Elle se construit.
Tout le monde possède-t-il une vocation ?
Oui, chaque personne reçoit une vocation. À chacun d’en faire bon usage. Il s’agit d’avoir confiance en soi, de croire en ses capacités. Beaucoup de personnes ont peur de faire des choix. Or, la vie est faite de choix, et les choix font la vie. Il faut s’informer, se cultiver, suivre des conseils, lire des guides pratiques, se faire coacher, avoir un mentor, être accompagné.
Peut-on passer à côté de sa vocation ?
Oui, si l’on ne découvre pas réellement ce que l’on est et ce dont on est capable. Vous pouvez avoir un talent enfoui en vous ou une passion pour quelque chose d’extraordinaire, mais passer à côté, parce que vous manquez d’ambition, parce que vous ignorez vos aspirations et votre valeur. Vous pouvez passer à côté également à cause de la pression sociale, voire environnementale. Le philosophe Emmanuel Kant dit : « L’homme naît bon, mais c’est la société qui le corrompt. » Donc, vous pouvez subir diverses influences qui vous éloignent de vos vrais objectifs. Il y a aussi un aspect non négligeable : la peur d’échouer, le manque d’opportunités, etc. Il faut donc savoir s’écouter et faire de bons choix.
En quoi votre parcours a-t-il nourri votre réflexion et influencé votre façon d’aborder ce thème ?
Mon parcours n’est ni unique ni singulier. Il est quasiment identique à celui d’autres journalistes professionnels exerçant dans les médias publics. J’ai fait preuve d’audace, d’imagination créatrice et de prospective en abordant un sujet qui colle à l’actualité de mon pays, le Gabon, depuis le coup de libération du 30 août 2023 et la naissance de la Cinquième République : construire une société juste et équitable, qui entend rompre avec les oripeaux du passé et rejeter les ravages de la médiocratie.
Ma réflexion repose sur un rejet audacieux de l’incompétence, qui a provoqué des dégâts et méprisé le talent dans un métier qui exige une formation appropriée, éclectique et qui doit refléter l’excellence. Je me pose en iconoclaste. J’estime que ce que j’ai vécu dans un contexte socioprofessionnel et politique particulier, antérieur à ce que nous vivons aujourd’hui et connu de tous, mérite qu’on s’y attarde un peu et qu’on change de paradigme. J’énonce des principes et des normes visant à l’amélioration d’un métier noble.
Quel message essentiel souhaitez-vous transmettre aux lecteurs à travers cet ouvrage ?
C’est un message qui vient du cœur. Chacun de nous exprime ce dont son cœur est plein. Un proverbe chinois dit : « Lorsque le cœur n’y est pas, les mains ne sont pas habiles. » Le Chemin de la Vocation est un acte de foi. Je m’y suis profondément investi. Mon message s’adresse surtout aux jeunes générations de journalistes : qu’ils fassent leurs classes, qu’ils ne prennent pas de raccourcis. Une vie se construit et la compétence s’acquiert par le travail, et rien d’autre. Mon ambition est claire : amener les jeunes à se lancer avec passion dans cette profession et à s’y consacrer corps et âme. Le récit de cet ouvrage autobiographique est conçu comme un moyen central d’un processus éducatif, parce que je considère la formation comme l’antidote de la médiocrité.
Pourquoi avoir choisi l’Assemblée nationale pour organiser ce vernissage ? Comment le public a-t-il accueilli votre livre ?
Le choix de l’Assemblée nationale est une décision personnelle et mûrement réfléchie. Elle ne devrait souffrir d’aucune ambiguïté. L’Assemblée nationale est la maison du peuple. Je remercie d’ailleurs le président de l’institution, Jean François Ndoungou, de m’avoir donné le droit de m’exprimer au cœur du Parlement. Mieux encore, l’Assemblée nationale est le lieu par excellence où l’on légifère. C’est le domaine de la loi. Beaucoup de professionnels espèrent que, lors de la première législature du septennat en cours, au terme des élections législatives de septembre prochain, deux textes pourront être votés : celui consacré au nouveau code de la communication, l’actuel étant jugé liberticide, et le statut particulier des professionnels de la communication, attendu depuis fort longtemps, qui devrait changer durablement et considérablement l’état inexcusable de dénuement dans lequel nous avons baigné ces dernières années.
Heureusement, le président de la République, chef de l’État et chef du gouvernement, Brice Clotaire Oligui, a octroyé pendant la transition plusieurs postes budgétaires au secteur de la communication. Ce qui montre la volonté des plus hautes autorités de nous sortir du marasme, des humiliations et de l’injustice. Parler à l’Assemblée nationale, c’est un appel à la considération et à la reconnaissance du travail des hommes et des femmes des médias publics. Globalement, le public a chaleureusement accueilli l’ouvrage. Imprimé à 500 exemplaires, nous en avons déjà vendu, depuis sa mise sur le marché au mois de mai dernier, 200 exemplaires, entre la Maison de la presse, les éditions Le Savoir et le système de portage. Pour la seule journée consacrée à la présentation et à la dédicace, le 1ᵉʳ juillet dernier, nous avons vendu 56 exemplaires. C’est quasiment un record en matière de littérature dans notre pays, selon les témoignages. Le public est convaincu que, fort de ma notoriété, mes idées pourront agir en profondeur et porter un jour leurs fruits pour recréer un nouvel environnement médiatique. Je peux être incompris, mais le débat est plus que jamais ouvert.
Un exemple concret ou un témoignage marquant qui illustre, selon vous, une vocation authentique ?
Il y en a plusieurs. Mais je retiendrai un exemple particulièrement marquant, qui m’a convaincu que ma vocation n’était ni vaine, ni le fruit du hasard. Elle était réelle. J’avais atteint le sommet de la perfection et de la foi dans mon métier. En effet, pendant un journal télévisé de 20 heures, en 2000-2001, ma consœur Blandine Gnambault Indassi a été victime d’un malaise. J’ai été appelé à la remplacer séance tenante, sans interrompre le JT. Je me suis installé et j’ai poursuivi le journal sans aucun hiatus. Imaginez-vous le stress, le trac et la pression émotionnelle sur un plateau de télévision et sur un présentateur, à une heure de grande écoute, sans oublier les considérations extra-professionnelles et parfois spirituelles de l’époque, selon lesquelles « les gens meurent trop à la RTG à cause des fétiches », etc.
Comment s’y prendre ? Mais lorsque vous êtes dans la prière, la foi et la confiance en vos capacités, vous parvenez au dépassement. Je m’en étais tiré fort aisément, puis j’ai été ovationné, aussi bien par le public que par ma hiérarchie.
Le conseil à prodiguer à ceux ou celles qui hésiteraient encore à écouter leur appel intérieur ?
Je leur dirais : vivez vos rêves en participant à votre construction individuelle et à celle d’une société inclusive, solidaire et ouverte.