Plaintes en France : la diversion de trop ?

Et si tout cela n’était qu’une manœuvre habilement orchestrée pour détourner l’attention ?

Derrière l’annonce médiatisée d’une plainte déposée en France par la famille Bongo contre le régime de la Transition gabonaise, nombreux sont ceux qui voient une tentative désespérée de réécriture de l’histoire, une diversion soigneusement calculée pour brouiller les responsabilités. Car la vérité, brute et nue, crie encore dans les rues de Libreville. Quatorze années de règne d’Ali Bongo Ondimba n’ont pas seulement ruiné une économie déjà fragile, elles ont profondément meurtri le tissu moral, institutionnel et social du Gabon. Ce règne a été jalonné de crimes. De sang. D’impunité. Et de silence. On se souvient de ces jeunes filles et garçons brutalement arrachés à la vie dans des circonstances jamais élucidées, leurs corps mutilés, des organes prélevés. Ces affaires tues ou étouffées sous la chape d’une République verrouillée par la peur. On se souvient aussi des milliards détournés, des institutions vidées de leur substance, d’une dictature déguisée en démocratie tropicale.

Ali Bongo a gouverné par la répression. Il n’a pas hésité, pour conserver un pouvoir chancelant, à organiser ce que l’histoire retiendra comme la nuit du massacre : celle du 31 août 2016 au QG de Jean Ping. Une nuit sanglante, documentée, niée, puis oubliée. Et pendant qu’un peuple criait sa détresse, les prisons se remplissaient. Nzibi Bertrand, Brice Laccruche Alihanga, Tony Ondo Mba, Ike Ngouoni, Grégory Laccruche, Justin Ndoundangoye, Tanassa, Bendo Edo, et bien d’autres, autant de noms devenus symboles d’un système où l’arbitraire tenait lieu de justice.

Et que dire du sort réservé à Brice Laccruche Alihanga, laissé pourrir en détention malgré son état de santé déclinant, victime d’un acharnement que nul médecin n’a pu faire entendre ? Pendant ce temps, dans l’ombre du pouvoir, Sylvia Bongo, son fils Noureddin et leur cercle rapproché géraient les affaires de l’État comme on gère un patrimoine privé. Le chef de l’État, diminué, n’était plus que l’ombre de lui-même ; la République, elle, n’avait plus de capitaine à la barre. La plainte déposée à Paris se présente donc comme un ultime sursaut d’un clan qui refuse de répondre de ses actes. Un clan qui veut se poser en victime, oubliant qu’il fut bourreau. Le passé, pourtant, a de la mémoire. Il n’oublie ni les comptes offshores, ni les villas somptueuses de Paris, Le gâchis du Pozzo Di Borgo ou de Mayfair à Londres, ni les entreprises-écrans ni les intermédiaires louches. Le peuple, lui aussi, se souvient. Le Gabon d’aujourd’hui a certes ses défis. Il n’est pas parfait. Mais il essaie, au prix d’efforts, parfois maladroits, mais sincères, de tourner la page du pillage, du népotisme et de la peur. Ce nouveau chapitre ne peut s’écrire avec ceux qui ont fait de l’État une propriété familiale. Il ne peut se construire sur la base de l’amnésie. Alors que le nouveau pouvoir tente de rétablir une justice et une équité longtemps confisquées, la famille Bongo devrait faire profil bas. Se taire, enfin. Et rendre compte, plutôt que d’en appeler à des juridictions étrangères pour travestir une réalité que tout un peuple a vécue dans sa chair. Car le Gabon mérite mieux qu’un retour en arrière.

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