Marché sans appel d’offres, paiements sans justification. Zéro contrôle, zéro réception : l’impunité organisée. Relance sans garanties ni justice. Un déficit flagrant… payé rubis sur l’ongle. Responsabilité : en haut de l’échelle. À un tournant : exigeons des comptes. Les Gabonais ont droit à la vérité.
Le 30 août 2023 aurait dû marquer la fin des pratiques opaques dans les marchés publics, notamment dans les chantiers du BTP. Pourtant, presque deux ans plus tard, des entreprises continuent de profiter des failles du système, sans jamais être tenues responsables. Le cas de MIKA Service et de son dirigeant Alain Claude Kouakoua est emblématique : marchés attribués, paiements intégralement effectués… sans travaux ni réception formelle. En 2011, le ministre Ngambia décide d’aménager le lotissement du pont Nomba (15 ha). Sans appel d’offres, une convention à hauteur de 4,9 milliards FCFA (4 milliards pour les travaux, 900 millions pour les déguerpissements) est proposée à MIKA Service. Le ministre refusera toutefois de signer la convention, renvoyant vers la SNI, sans que la régularisation n’ait jamais lieu, selon les auditeurs.
Malgré tout, deux jours plus tard, MIKA Service reçoit un versement de 2,4 milliards FCFA en espèces (relevé bancaire faisant foi), sans bon de commande, ordre de service ou contrat signé, en avance de démarrage. Les paiements suivants, également au comptant, s’élèvent au montant total du contrat. Alain Kouakoua lui-même à ce qu’il semblerait aurait admis devant les auditeurs : « Je reconnais avoir perçu de l’argent par le canal de BGFI sans commande ni ordre de service, et également sans contrat ». Aucun contrôle, aucun suivi technique et administratif. Aucun relevé de métrés. Aucun document de service fait. Aucun procès-verbal de réception. Aucun organe officiel n’a validé l’avancement réel des travaux, reconnaissance confirmée par Kouakoua lors de l’audit .
En 2014, l’ancien ministre Ngambia vend le lotissement à la Caisse de dépôts et consignations (CDC) puis à la Banque gabonaise de développement (BGD) pour 2 milliards FCFA. La CDC confie de nouveaux marchés à MIKA Service : 2,7 milliards pour les terrassements et 5 milliards pour les travaux de voiries et assainissement. Malgré des rapports sévères des cabinets Studi et Axial dénonçant : un manque d’expertise humaine, un amateurisme patent, des documents techniques mal rédigés, un «responsable fantôme ». MIKA Service encaisse plus de 3,3 milliards FCFA entre 2014 et 2017. Selon les audits, les travaux réalisés ne valent « qu’un peu plus de 2,7 milliards FCFA ». Où est passé le reste ? La question reste entière, assortie d’un constat glaçant : aucun suivi, aucun contrôle, aucune sanction.
Alors que le discours officiel prône la rigueur et la transparence, comment se fait-il que MIKA Service, pourtant mis en cause dans un scandale financier d’envergure dans le temps, continue à remporter des marchés publics et à se voir confier des fonctions publiques (PCA de la CNAMGS, président de fédération, etc.) ? Peut-on envisager aujourd’hui de relancer un projet immobilier sur ce même site sans une véritable enquête publique ? Les autorités doivent aujourd’hui : rouvrir les audits; réaliser un contrôle technique rigoureux du site du pont Nomba; sanctionner les responsables financiers et administratifs, et au demeurant interdire MIKA Service de soumissionner tant que des comptes n’ont pas été rendus. Au moment où la Nation appelle à plus d’austérité, d’éthique et d’efficacité, laisser un dossier de cette envergure être classé permettrait de confirmer les pires craintes : qu’en matière de marchés publics, l’impunité est toujours à l’œuvre.