La tension monte dans le quartier situé derrière l’ambassade de Chine, à Libreville, où plusieurs familles, installées depuis plusieurs décennies, dénoncent un déguerpissement qu’elles jugent brutal, non conforme à la loi et irrespectueux des droits humains. Dans une déclaration solennelle adressée à Son Excellence Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la République, ces populations lancent un appel au dialogue, à la justice et à la considération.
Ce sont des mots forts, empreints de dignité et d’espoir, que les habitants concernés ont choisis pour s’adresser au chef de l’État. Se présentant comme des « citoyens loyaux et paisibles », vivant depuis plus de 50 ans dans cette zone, ils dénoncent une intervention soudaine et non documentée de représentants de l’Agence nationale de l’urbanisme, des travaux topographiques et du cadastre (ANUTTC), accompagnés de forces de l’ordre, leur ordonnant de quitter les lieux dans un délai de 24 heures, sans notification écrite, ni arrêtés administratifs, ni mesure d’accompagnement.
« Nous ne sommes pas contre le progrès, mais contre l’injustice »
« Nous ne refusons pas le progrès, nous refusons l’injustice », peut-on lire dans la déclaration. Les familles assurent ne pas être opposées à d’éventuels projets d’intérêt général, mais dénoncent l’absence totale de concertation, d’information préalable et de solutions de relogement. Selon elles, l’État ne peut prôner la justice sociale d’un côté, et permettre, de l’autre, que des familles entières soient déplacées « comme des intrus », sans respect des principes élémentaires de droit. Les habitants évoquent notamment le principe de prescription acquisition, prévu dans le Code civil, qui reconnaît des droits d’usage à toute personne occupant pacifiquement et continuellement un terrain depuis plus de 30 ans. En droit foncier gabonais, rappellent-ils, « l’occupation tolérée, pacifique et de longue durée fonde un droit d’usage légitime, même en l’absence de titre foncier ».
Des familles expulsées appellent le président à l’aide
Face à ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir et une violation flagrante de la Constitution, les habitants demandent la suspension immédiate des opérations de déguerpissement en cours dans leur zone, jugées illégales et précipitées. Ils réclament également :
- Une procédure administrative transparente, légale et documentée ;
- Un recensement exhaustif des familles concernées ;
- La mise à disposition de terrains viabilisés en compensation ;
- Des solutions de relogement temporaire ou définitif ;
- Une indemnisation juste et conforme aux normes en vigueur.
Ils vont plus loin en suggérant l’organisation d’un débat public ou d’une émission télévisée avec les autorités compétentes, notamment le ministre de l’Habitat et le directeur général de l’ANUTTC, afin de clarifier la situation et éviter toute manipulation.
Dans leur déclaration, les populations soulèvent également des soupçons graves de détournement de fonds publics. Selon leurs propos, dans des situations similaires passées, des budgets prévus pour l’indemnisation des familles auraient été en partie détournés. « L’État débourse 100 millions, on n’utilise que 30 pour indemniser 30 maisons, et on cache le reste. Dix ans après, on affirme que tout le monde a été indemnisé, sans preuve, car le fichier aurait été ‘perdu’ », dénoncent-ils.
Ces allégations, si elles sont fondées, mettent en lumière un problème récurrent de gestion opaque des opérations de déguerpissement et de manque de traçabilité dans l’attribution des indemnisations.
En s’adressant au président Oligui Nguema, les habitants affirment voir en lui « le dernier recours républicain » et « le garant suprême de la Constitution ». Ils saluent d’ailleurs son action pour la refondation de l’État à travers la Ve République, portée selon eux par des valeurs de justice, de transparence et de respect de la dignité humaine.
« On ne jette pas les enfants dehors en saison de pluie », rappelle l’un des proverbes cités dans leur déclaration. Ce cri du cœur vise à toucher la fibre humaine et républicaine du chef de l’État, dans l’espoir qu’il intervienne personnellement pour rétablir le droit, la paix et la justice dans ce dossier.