Autorités Municipales : Un pouvoir local en péril par manque de compétences, de vision et de rigueur

Le maire, au sens de la loi organique n°001/2014 du 14 juin 2015 relative à la décentralisation, est l’organe exécutif de la commune. Il représente légalement la collectivité territoriale, administre la commune, prépare et exécute les décisions du conseil municipal, exerce des fonctions de police administrative locale et assure la gestion des services municipaux. Élu parmi les conseillers municipaux, il incarne l’autorité locale tout en agissant sous la tutelle administrative de l’État.

L’article 48 de cette loi énumère de manière détaillée les attributions spécifiques du maire. Il est notamment chargé de l’aménagement urbain, de la gestion de la voirie, de la régulation des transports, de la sécurité publique, de la promotion du cadre de vie, de la prévention sanitaire, de la gestion des marchés et de la lutte contre les nuisances. Ces missions, si elles étaient exercées avec effectivité, feraient du maire un acteur central du développement local. Malheureusement, la réalité dans les arrondissements de Libreville et plus largement dans tout le pays révèle un écart préoccupant entre les dispositions de la loi et la réalité du terrain. Selon les alinéas 1, 2 et 3 de l’article 48, les maires sont chargés de gérer la voirie, de délibérer sur les permis de lotir et de construire, et de donner leur avis pour la délivrance des permis d’occuper. Pourtant, il suffit de parcourir Libreville pour se rendre compte que ces fonctions sont purement théoriques. Les constructions anarchiques se multiplient dans tous les quartiers, sans le moindre respect des règles d’urbanisme. Magasins, kiosques, maisons d’habitation ou superettes poussent comme des champignons, souvent sans permis de construire, ni autorisation d’occupation. Chaque semaine, un nouveau commerce est ouvert sans encadrement. On voit des immeubles obstruer des canaux de drainage, des kiosques en bord de route, parfois à quelques mètres d’un bâtiment administratif. L’État semble absent. Pire, on se demande si les mairies sont même informées de ces implantations. Et si elles le sont, pourquoi ne réagissent-elles pas ? Complicité passive ? Laxisme ? Ou pure incompétence ? Le manque d’entretien des routes est devenu une banalité dans la capitale. Les travaux de voirie ne sont réalisés que lors de visites officielles du Président de la République ou de ministres. Le reste du temps, les routes sont laissées à l’abandon. Pourtant, la loi est claire : c’est au maire qu’il revient de gérer la voirie municipale. Où est donc passée cette responsabilité ?

Transports urbains : un laisser-faire inacceptable

Concernant l’organisation des transports urbains et la régulation des tarifs, la mairie est également aux abonnés absents. Ce sont les chauffeurs, souvent de nationalité étrangère, qui imposent les prix à leur guise, sans aucune régulation municipale. Les citoyens, pris en otage, paient selon l’humeur du conducteur. Il est légitime de se demander quand la mairie décidera de reprendre le contrôle de ce secteur crucial pour la mobilité urbaine. L’alinéa 17 de l’article 48 confie au maire la mission de prévenir les risques sanitaires. Mais en réalité, Libreville est envahie par des « cafètes » insalubres où la nourriture est cuisinée dans des conditions alarmantes. À cela s’ajoutent les vendeurs de nourriture dans la rue, sans aucun respect des normes d’hygiène. Et que fait la mairie ? Rien, ou si peu. Parfois, les mêmes agents municipaux censés contrôler ces activités s’y restaurent eux-mêmes, participant ainsi au problème au lieu de le résoudre. Faut-il conclure que nos maires manquent de compétences administratives et juridiques ? C’est probable, dans certains cas. Peut-on parler d’un manque de volonté politique ou d’ambition stratégique ? Assurément. Mais ce qui frappe le plus, c’est l’absence flagrante de rigueur dans l’exécution des missions. La loi est là. Les textes sont clairs. Les responsabilités sont bien définies. Ce qui manque, c’est une véritable culture de la responsabilité, de la transparence et du service public.

Sur la question des ressources financières : un faux prétexte ?

Certains avanceront que les mairies ne disposent pas de ressources budgétaires suffisantes pour assurer convenablement leurs missions. Cet argument, bien que compréhensible, ne peut à lui seul justifier l’inaction ou la mauvaise gestion observée. En effet, l’article 285 de la loi organique n°001/2014 relative à la décentralisation est très clair à ce sujet : les collectivités locales disposent de ressources propres, en plus des subventions éventuelles de l’État. Ces ressources propres comprennent, d’une part, les recettes de l’exercice en cours (impôts, taxes, droits, revenus du domaine, prestations de services, amendes, dons, etc.) et, d’autre part, les excédents budgétaires des exercices antérieurs, aussi bien en fonctionnement qu’en investissement.

Ainsi, une mairie correctement administrée est en mesure de générer ses propres fonds, notamment par une collecte efficace des taxes locales et une gestion rigoureuse de son patrimoine. Il suffit d’observer l’étendue des activités commerciales informelles dans nos villes pour comprendre le potentiel fiscal inexploité. Paradoxalement, l’incivisme grandissant des populations, loin d’être seulement un obstacle, représente aussi pour la mairie une opportunité de générer des ressources, notamment à travers la mise en œuvre effective de sanctions, d’amendes, de taxes de régularisation et d’actions de redressement fiscal. Le problème n’est donc pas seulement un manque de moyens financiers, mais bien un manque de stratégie, de volonté politique et de rigueur dans la mobilisation des ressources locales. Une mairie proactive devrait être en mesure de transformer ce qui semble être une contrainte en opportunité de gouvernance efficace.

En conclusion, en dénonçant ces dysfonctionnements, nous ne cherchons pas à accabler gratuitement, mais à interpeller en conscience pour un Gabon meilleur. Nous rêvons tous d’un pays aussi beau, propre, organisé et fonctionnel que ceux dans lesquels nous aimons passer nos vacances. Ce rêve est possible, mais il ne se réalisera pas sans discipline, engagement et responsabilité à tous les niveaux.

Par ailleurs, face au laxisme généralisé observé dans de nombreuses mairies, il est urgent que l’État mette en place des missions de contrôle indépendantes, chargées de vérifier l’effectivité des missions confiées aux maires. Ces missions doivent être composées d’hommes et de femmes intègres, patriotes et incorruptibles, guidés par l’amour du Gabon et non par leurs intérêts personnels. Il est également du devoir des maires d’accompagner le Président de la République dans la mise en œuvre de sa vision pour le pays. Être maire ne doit plus être un simple titre honorifique ou une récompense politique, mais bien une fonction essentielle de service public, porteuse de transformation concrète et durable pour nos cités.

Dernières infos

La rédaction vous recommande

Partagez cet article

Interagissez avec nous

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut