A Libreville, autant on salue l’arrivée de la saison des pluies, parce qu’elle permet de résoudre un tant soit peu les carences du système d’adduction d’eau, autant on la redoute, à cause des inondations et des éboulements meurtriers qui s’ensuivent depuis une trentaine d’années. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il faut craindre une répétition de l’histoire. Sans vouloir jouer aux oiseaux de mauvais augure. L’intention est plutôt de pousser les pouvoirs publics à appliquer le principe, d’une justesse basique, selon lequel « gouverner c’est prévoir ». Le monde médical aime à dire que « mieux vaut prévenir que guérir ». Parvient-on à guérir quand il y a mort d’homme ? Alors que le décès d’un être humain est déjà en soi un drame, la conscience collective reste marquée par la mort, il y a un peu plus de deux ans dans la zone des quartiers sous-intégrés appelée « les PK », de sept membres d’une même famille engloutis par un glissement de terrain, après des pluies diluviennes successives. Comme à leur habitude, les gouvernants ont versé des larmes de crocodile. Le président de l’époque, à la mobilité réduite à cause d’un violent accident vasculaire cérébral, avait été traîné sur les lieux du drame, où, en toute logique, il a fait des promesses et sommé le gouvernement de remédier à la situation le plus rapidement possible et de façon durable. En dehors d’une habitation de relogement proposée aux membres survivants de la famille, rien de bien consistant n’a été fait. Le cours de l’histoire a charrié une autre actualité qui a donné aux gouvernants des raisons de passer à autre chose. C’est très souvent comme ça et la communication gouvernementale a vocation à saisir les occasions de changer de sujet, à privilégier « le blingbling » et les réjouissances, pour créer l’illusion d’une société gaie.
A défaut des logements sociaux comme du temps de la splendeur de la Société nationale immobilière, le gouvernement peut proposer des espaces viabilisés. Quand on voit les efforts des citoyens pour construire des maisons présentables dans les bas-fonds ou des zones éloignées, on en vient à conclure que ce dont ils ont besoin, c’est des terrains en bonne et due forme. De temps en temps, les pouvoirs publics annoncent le blocage ou la réduction des prix des matériaux de construction, mais l’habitat spontané progresse. La capitale n’a pas le monopole des inondations. Certaines villes de l’intérieur du pays, notamment Lambaréné et Mouila, se signalent régulièrement. Dans la seconde moitié des années 1980, il avait même été lancé un appel à la solidarité nationale au profit du chef-lieu du Moyen-Ogooué. Par la suite, une polémique vit le jour, au sujet de la destination que l’argent collecté avait prise. Il y a trois ans, la gestion des fonds publics décaissés en faveur des populations victimes des inondations dans la ville a encore donné lieu à des cris de protestation. Au premier trimestre de l’année 2010, Mouila, le chef-lieu de la Ngounié, s’était retrouvée sous les eaux. Une situation qui avait suscité un élan de solidarité des fils de la province haut placés. C’était le temps de « la Ngounié forte ». Une des caractéristiques de ce mouvement fut sa propension au mélange des genres, avec pour conséquence l’affaiblissement de l’Etat. Lors de leur descente sur le terrain à l’effet de réconforter les populations, les ténors de « la Ngounié forte » avaient débarqué en grande pompe, mais sans un responsable du ministère des Affaires sociales, dont c’est pourtant le job. La ministre des Affaires sociales à l’époque présentait l’inconvénient d’être originaire de l’Estuaire. Le nouveau président de la République a lancé le projet de construction d’une nouvelle capitale, à une centaine de kilomètres de l’actuelle, sur la Nationale 1. En attendant cette cité futuriste, Libreville n’en aura pas fini avec les inondations et les glissements de terrains meurtriers, si des actions significatives ne sont pas entreprises. La saison des pluies ne fait que commencer. En mars et avril, elle va atteindre son apogée. Parmi les mesures à envisager, prévoir des opérations de sensibilisation des populations à la gestion des canalisations, en permanence bouchées par les déchets ménagers. Tout le monde doit prendre sa part à la résolution du problème. Des amendes peuvent s’ensuivre. C’est aussi le prix pour une vie moderne.