Alors que le gouvernement affiche sa volonté de renouveau républicain, Plaine Oréty devient le théâtre d’une opération d’évacuations menée avec une brutalité qui choque l’opinion. Sous couvert de développement urbain, les ministres de l’Habitat et des Travaux publics ont déclenché une vague de démolitions sans qu’une véritable campagne d’audience publique et de sensibilisation régulière n’ait été menée en amont, provoquant incompréhension, colère et sentiment d’abandon chez des centaines de familles. Derrière les bulldozers, c’est la confiance des citoyens envers l’État qui s’effrite.
Depuis plusieurs jours, des engins lourds rasent sans relâche des habitations, laissant derrière eux des murs effondrés et une population désemparée. À Plaine Oréty, dans les quartiers situés à proximité de l’Assemblée nationale et de l’ambassade de Chine, une vaste opération d’évacuation est en cours. Officiellement, les terrains ont été classés en zones d’utilité publique pour permettre la construction d’infrastructures majeures, telles que le boulevard de la Libération et des quartiers administratifs. Toutefois, la rapidité et la brutalité de cette intervention suscitent une indignation croissante.
Si certains résidents ont été indemnisés, la majorité regrette de n’avoir reçu aucune compensation. D’autres, profitant de la confusion ambiante, ont vendu illégalement des parcelles appartenant à l’État, parfois à des étrangers aujourd’hui abandonnés à leur sort. Certains occupants ont même loué leurs maisons, désormais détruites.
Ce qui choque le plus, c’est l’absence régulière de concertation et de préparation en amont des démolitions qui suscite l’incompréhension et la colère des populations. De nombreux habitants affirment avoir été expulsés sans préavis, sans solution de relogement, souvent dans des conditions indignes. Malgré les promesses officielles d’indemnisation et de relogement, les populations réclament davantage de transparence : elles exigent la publication des listes de bénéficiaires et des critères d’attribution. Pour elles, cet « assainissement urbain » s’apparente à une injustice sociale.
Face à ce qu’ils perçoivent comme une expropriation brutale, les habitants demandent l’arrêt immédiat des expulsions tant qu’aucune solution alternative n’aura été mise en place. Ils appellent à un dialogue sincère avec les ministères concernés, à une enquête indépendante sur la gestion de la crise, à la transparence des indemnisations, ainsi qu’à un plan d’aide pour les familles jetées à la rue.
Il est légitime de s’interroger : pourquoi une opération d’une telle ampleur a-t-elle été lancée sans préparation sérieuse ni dialogue suffisant ? Les ministres concernés ont manifestement manqué à leur devoir d’anticipation, de coordination et de communication avec les chefs de quartiers. Leur silence et leur retrait du terrain traduisent un mépris inquiétant pour leur mission de service public. Pire encore, leur action apparaît comme un excès de zèle malheureux, une décision précipitée qui nuit à la fois aux citoyens et à l’image du pays.
En tant que membres du premier gouvernement de la Cinquième République, ces ministres étaient censés incarner l’élan de renouveau impulsé par le chef de l’État. Pourtant, leurs actes résonnent comme un sabotage des bonnes intentions affichées, semant la désolation et minant la paix sociale à un moment où la nation a besoin de cohésion.
Ils avaient la responsabilité de recenser les cas sociaux, de prévenir les difficultés et de proposer des mesures d’accompagnement avant toute intervention. Leur absence sur le terrain a conduit à une opération mécanique, brutale, déshumanisée, qui érode la confiance des citoyens envers leurs institutions. Même si la présidence ne semble pas avoir dirigé directement cette opération, c’est l’ensemble du gouvernement qui en subit aujourd’hui les répercussions.
Dans un État démocratique, la responsabilité ministérielle est entière. La solidarité gouvernementale ne doit pas servir de bouclier pour masquer les fautes individuelles. Quand une action provoque une onde de choc sociale, ceux qui en sont à l’origine doivent assumer les conséquences politiques. Être ministre, c’est avant tout servir l’intérêt général avec rigueur, humanité et sens du devoir.
Il est utile de rappeler que cette opération repose sur un décret datant du 21 avril 2011, déclarant la zone d’utilité publique pour la création d’une cité administrative sur le boulevard Triomphal Omar Bongo. Quinze ans plus tard, sa mise en œuvre se fait dans la douleur, révélant les défaillances d’un système incapable d’anticiper les conséquences humaines de ses décisions.
Entre impératifs de développement et respect des droits fondamentaux, l’État est confronté à un dilemme : comment construire sans détruire la dignité ? Si certains ont été indemnisés, beaucoup ont préféré reconstruire malgré le statut juridique incertain des terrains. D’autres ont été victimes d’escroqueries, vendant ou achetant des terrains illégalement, parfois à des étrangers aujourd’hui pris au piège. Ce mélange d’irresponsabilité privée et de carences publiques crée une situation explosive, où la population reste, encore une fois, la principale victime.