Gabon : à la croisée des chemins entre relance démocratique et défis de transformation

Le Gabon entre dans une phase cruciale de son histoire contemporaine. 23 mois après la chute du régime Bongo, l’heure n’est plus à l’euphorie de la libération, mais à l’épreuve des faits. Le président Brice Clotaire Oligui Nguema, désormais légitimé par les urnes et l’investiture du 3 mai 2025, amorce la seconde étape de son mandat dans un contexte où attentes sociales, exigence démocratique et pression économique convergent. Derrière le symbole de la rupture, les Gabonais réclament des résultats tangibles. Ils attendent de voir dans quelle mesure la parole donnée le 30 août 2023 peut se traduire en amélioration réelle des conditions de vie, en justice sociale, et en relance durable.

La création de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), formalisée début juillet, acte la volonté du président de donner à son action un socle politique assumé. Ce parti, héritier de la plateforme de la transition, a pour ambition de porter la majorité aux législatives de septembre. Il s’agit là d’un tournant stratégique : en sortant du flou institutionnel hérité de la période transitoire, le chef de l’État entend se doter d’un véritable levier pour gouverner avec cohérence. Reste à savoir si cette démarche parviendra à convaincre au-delà de son socle originel. Dans le même temps, le gouvernement a dévoilé un ambitieux Plan national de croissance et de développement (PNCD 2026–2030), visant un taux de croissance annuel de 10 %. Ce volontarisme économique ne manque pas d’audace, mais il se heurte à une réalité implacable : selon la Banque mondiale, la croissance effective s’essouffle et la dépendance au secteur pétrolier demeure préoccupante. La jeunesse, quant à elle, reste massivement au chômage. Le Gabon n’a plus droit aux promesses sans résultats ; il lui faut des réformes structurelles, une diversification économique crédible, et une gouvernance à l’écoute.

Sur le plan international, le Gabon se prépare à la COP30 avec une feuille de route ambitieuse portée par le ministre Mays Mouissi. Ce retour sur la scène climatique est salutaire. Mais là encore, les ambitions doivent être alignées sur les moyens. Si le pays a été un leader climatique sous l’ère Bongo, il doit désormais prouver que cette stratégie n’était pas qu’un vernis diplomatique, mais bien un engagement sincère et durable. L’écologie ne peut plus être une posture ; elle doit être une politique publique transversale. Dans ce paysage contrasté, le principal défi du pouvoir est de trouver l’équilibre. Équilibre entre continuité et rupture. Équilibre entre autorité et inclusion. Équilibre entre ambitions nationales et urgences sociales. Mais cette rupture tant célébrée ne révèle pas toujours une véritable ligne de démarcation entre le passé et le présent. Nombre des visages qui entourent aujourd’hui le président Brice Clotaire Oligui Nguema sont les mêmes qui occupaient des postes de pouvoir influents sous le régime d’Ali Bongo. Une forme de recyclage politique s’opère, brouillant les repères d’un peuple en quête de renouveau. Cette résurgence de figures anciennes, parfois discréditées par leur silence ou leur inertie passée, interroge la sincérité de la transformation annoncée.

Comment espérer une nouvelle gouvernance démocratique ou économique, lorsque les leviers de décision restent entre les mains d’acteurs liés à l’ancien système ? Le doute s’installe. Les Gabonais, lucides, ne veulent pas d’un simple changement d’emballage. Ils exigent un changement de méthode, de culture politique, de résultats tangibles. Le pragmatisme ne doit pas être un alibi pour la continuité feutrée. À ce titre, la promesse d’une gouvernance participative, associant les acteurs économiques et sociaux à la définition des politiques publiques, ne devra pas rester un slogan. Elle devra s’incarner dans des actes, dans une révision des élites, dans une ouverture réelle à la société civile, à la jeunesse, aux compétences neuves. La transition a ouvert une brèche dans l’histoire politique gabonaise. Elle a permis l’irruption de l’espoir, d’une parole libre, d’un sentiment de dignité retrouvé. Mais cette brèche peut se refermer si les signaux donnés par le sommet de l’État ne sont pas traduits dans le quotidien des citoyens. Le Gabon est à la croisée des chemins. Il lui revient de choisir entre le confort des habitudes anciennes et le courage d’un vrai renouveau. L’histoire jugera les actes. Et le peuple, plus que jamais vigilant, ne se contentera pas de symboles.

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