Manganèse : le Gabon enclenche sa révolution industrielle

Le gouvernement gabonais affiche sa détermination à tourner la page de l’exportation brute de ses ressources minières. À l’horizon 2029, le pays entend interdire définitivement la sortie du manganèse non transformé pour favoriser sa transformation locale. Une réforme ambitieuse, portée par le président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, et enclenchée ce 16 juillet lors de la première réunion de la Commission interministérielle de suivi du projet intégré de transformation locale des minerais. Présidée par le Vice-président de la République, Alexandre Barro Chambrier, la rencontre, convoquée à l’initiative du ministère des Mines et des Ressources géologiques, a réuni plusieurs membres du gouvernement, tous engagés dans la mise en œuvre de ce virage stratégique. Dans son allocution, le vice-président du gouvernement a rappelé la décision « historique » du chef de l’État, prise en Conseil des ministres le 30 mai dernier : mettre fin à l’exportation du manganèse brut à compter du 1er janvier 2029. Cette mesure, selon lui, marque « la reconquête de la souveraineté sur nos ressources » et vise à bâtir une industrie minière gabonaise compétitive, créatrice de valeur et génératrice de croissance durable. Avec un prix à l’exportation d’environ 4,45 dollars la tonne de minerai brut contre près de 996 dollars pour le silico-manganèse transformé, la transformation locale s’impose comme une évidence économique. « Il nous faut coordonner nos efforts pour créer un écosystème industriel solide, capable de porter cette transformation », a insisté M. Barro Chambrier, appelant tous les ministères et acteurs non étatiques à s’impliquer activement.

165 000 emplois attendus

Le ministre des Mines, Gilles Nembe, a de son côté insisté sur l’ampleur du chantier déjà amorcé depuis un an et demi. « Ce projet peut changer le destin du Gabon », a-t-il déclaré. D’après lui, les infrastructures nécessaires, chemin de fer, port en eau profonde, énergie, pourraient générer à elles seules 165 000 emplois, impactant positivement la vie de plus d’un million de Gabonais. Un chiffre qui résonne comme un espoir, dans un pays où 110 000 dossiers ont été déposés lors du dernier appel à candidatures dans la fonction publique. Le ministre des Transports, Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, a d’ailleurs rappelé les grands projets connexes déjà annoncés par le chef de l’État : construction d’un chemin de fer reliant Bélinga à Mayumba, centrale hydroélectrique à Boué, et développement du port en eau profonde de Mayumba. Au fil des interventions, l’adhésion des ministres a confirmé le caractère transversal du projet. Le ministre de l’Intérieur, Hermann Immongault, a souligné l’opportunité de ce projet dans la mise en œuvre effective de la décentralisation. Pour lui, ce chantier contribuera au développement harmonieux des collectivités locales et à l’émergence de nouveaux pôles urbains.

Même son de cloche chez le ministre de l’Énergie, Philippe Tonangoye, qui a évoqué la nécessité de développer un véritable corridor énergétique capable d’alimenter les sites miniers, dont les besoins sont estimés à plus de 20 gigawatts. « L’énergie, c’est l’esprit de l’industrie », a-t-il affirmé, en plaidant pour des investissements massifs dans les infrastructures de production et de transport de l’électricité. La ministre de la Planification, Louise Nvono, a quant à elle appelé à une coordination rigoureuse et à une planification stratégique axée sur l’amélioration de la qualité de vie des populations. « Ce projet, c’est l’occasion de transformer nos richesses naturelles en richesses humaines », a-t-elle insisté.

Le ministre de l’Enseignement supérieur, Simplice Désiré Mamboula, a mis l’accent sur la nécessité de former une jeunesse qualifiée pour répondre aux besoins de l’industrie minière. Il a évoqué la création du centre universitaire de Koula-Moutou, axé sur les métiers liés aux mines, et plaidé pour une synergie entre universités publiques et privées. Enfin, le ministre des Travaux publics, Edgard Moukoumbi, a rappelé que le développement du réseau routier national est indispensable à la réussite du projet. Il a insisté sur la nécessité d’accélérer les travaux d’infrastructure pour faciliter la mobilité des personnes et des marchandises, tout en soulignant le potentiel touristique des nouvelles zones industrielles, notamment autour du futur port de Mayumba. À travers cette mobilisation inédite de l’ensemble du gouvernement, le Gabon affiche son ambition : devenir un acteur industriel de référence en Afrique centrale, capable de tirer pleinement profit de ses ressources minières. La Commission mise en place devra, dans les mois à venir, définir les feuilles de route sectorielles, lever les freins logistiques et techniques, et assurer une gouvernance transparente et inclusive du projet. L’enjeu est de taille : réussir la transformation structurelle de l’économie gabonaise, en s’appuyant sur ses richesses naturelles, tout en répondant aux attentes sociales d’une jeunesse en quête d’avenir. À moins de cinq ans de l’échéance fixée, le compte à rebours est lancé.

 

 

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